Contenu thermique des océans et évolution du climat : les nouvelles perspectives scientifiques

L’étude du climat est par essence même une discipline interdisciplinaire : pour comprendre comment fonctionne le climat, il faut s’intéresser à la fois à l’évolution de l’atmosphère, des océans, de la Terre et du vivant et des flux d’énergie qui les relient. Partant du postulat que l’évolution du climat est liée à un déséquilibre des flux d’énergie aux limites de l’atmosphère, une équipe de recherche s’est attelée à comprendre les sources de ce dérèglement. Un article relatant leur travail de perspective scientifique est publié dès aujourd’hui dans Nature.

Karina Von Schuckmann, océanographe de Mercator Océan, qui fait partie de cette équipe de scientifiques et est l’une des auteurs de l’article, nous en dit un peu plus sur cette étude.

 Karina Von Schuckmann

Docteur ès Science de l’Institut IFM-GEOMAR de Kiel (Allemagne), Karina a notamment travaillé sur les indicateurs climatiques de l’océan au sein de l’Ifremer puis du MIO (Mediterranean Institute of Oceanography, Université de Toulon). Fort de son expérience dans l’étude du climat, depuis 2015, Karina a rejoint Mercator Océan où elle est chargée des questions liées à la surveillance du climat.

Bilan énergétique moyen de la Terre. Source : http://www.clivar.org/research-foci/heat-budget

Heat budget illustration_CLIVAR

Mercator Océan : « Karina, peux-tu nous présenter l’étude qui est à paraître aujourd’hui dans Nature ? »

Karina : « L’étude menée par cette équipe de scientifiques traite du déséquilibre du bilan d’énergie de la Terre (EEI pour Earth’s Energy Imbalance). Le système Terre reçoit principalement de l’énergie du rayonnement solaire. Le système capte une partie de cette énergie et une autre partie est renvoyée en dehors du système. A l’échelle interannuelle et décennale, on considère que le bilan énergétique est en équilibre.

Or, l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère modifie cette quantité d’énergie transmise et déséquilibre le bilan. En faisant cette étude, nous avons voulu connaitre la meilleure façon de quantifier ce déséquilibre. »

MO : « Pourquoi ce sujet est important ? »

Karina : « Quantifier ce déséquilibre donne une mesure fiable de la quantité de chaleur accumulée dans le système climatique. Et cette chaleur accumulée va induire une réponse du système climatique. Ainsi, mieux connaitre cette quantité va aider à améliorer notre connaissance sur les changements dans le système climatique et les prédictions climatiques. »

MO : « Quelles ont été les étapes de vos recherches ?

Karina : « Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés à lister toutes les sources (les forçages) qui peuvent induire un dérèglement énergétique de ce bilan. Nous avons discuté également les « symptômes » : l’augmentation du niveau de la mer, l’augmentation de la température, la fonte des glaces… Puis dans un second temps, nous avons étudié les méthodes qui permettent de mesurer ces valeurs d’énergie. »

MO : « Quelles sont ces méthodes ? »

Karina : « La première méthode est la méthode dite « directe » : avec les satellites, on mesure directement ce qui entre et ce qui sort du système atmosphérique. Avec des mesures de plusieurs satellites, cela peut être précis mais comme il faut qualifier les mesures provenant de chaque instrument, la barre d’erreur peut être importante… Pour la deuxième méthode, on quantifie les flux à la surface de la Terre. Pour cette méthode, certains paramètres ne peuvent être mesurés directement, ce qui implique là aussi des barres d’erreurs importantes. Enfin, pour la troisième méthode, on part du postulat que 93% de l’excès de chaleur est emmagasiné par l’océan. En quantifiant cette augmentation de chaleur, cette méthode s’avère être la plus précise pour mesurer la valeur absolu du déséquilibre. »

MO : « Quel est le résultat de cette étude et à quoi (qui) va-t-elle servir ? »

Karina : « Grâce à cette étude, nous avons démontré que surveiller l’évolution temporelle du contenu thermique des océans était la méthode la plus pratique et la plus fiable pour mesurer le déséquilibre du bilan énergétique du système Terre. Cette recommandation est portée par le groupe international CLIVAR CONCEPT HEAT qui vise à renforcer une communauté d’experts internationaux et interdisciplinaire sur le bilan d’énergie de la Terre. Nous espérons ainsi mieux comprendre les incertitudes des estimations et améliorer les capacités de surveillance et de prédiction de l’évolution du climat.»

MO : Merci Karina !

Lien vers l’article : http://www.nature.com/nclimate/journal/v6/n2/full/nclimate2876.html

D’autres articles :

http://www.theguardian.com/environment/climate-consensus-97-per-cent/2016/feb/03/measuring-ocean-heating-is-fundamentally-important-to-track-global-warming

http://www.insu.cnrs.fr/node/5685?utm_source=DNI&utm_medium=email&utm_campaign=DNI

http://www.clivar.org/news/imperative-monitor-earth%E2%80%99s-energy-imbalance

http://www.carbonbrief.org/explainer-how-surface-and-satellite-temperature-records-compare

http://www.metoffice.gov.uk/research/news/2016/earths-energy-imbalance

Lien vers le site perso Karina : http://www.kvonschuckmann.com

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